Dans ma trentaine, soit des années au-delà de 1970, j’ai porté la barbe-collier même si ce n’était pas la grande mode. Cependant, la mode très en vogue à ce moment-là consistait en une chevelure longue, des barbes-colliers importantes sans moustache, les pantalons aux couleurs vives et les souliers aux couleurs assorties.
J’ai succombé à ces modes. Les cheveux longs, mais bien coupés, ont orné ma tête. En sus, autour de mon cou, un collier unique aux pierres malachites vertes, retenant un médaillon à l’effigie des dessins précolombiens de l’Amérique du Sud, rapporté lors d’un voyage, ne manquait pas d’éclat. Je me souviens de mon pantalon vert forêt et de mes souliers de la même couleur.
Bien sûr, la mode était généralisée comme toujours, car tout le monde embarquait. Elle était voyante ! Mais je réussissais à me distinguer élégamment malgré tout. Elle ne durait à peine quelques années. Deux ou trois ans. Pour être remplacée par une autre.
Aujourd’hui, mon regard visualise la mode avec plus d’acuité et un jugement plus acerbe. Voilà les couleurs du propos de ce texte.
Évidemment, le tatouage retient mon attention en premier. Tout d’abord par le mot anglais « tatoo », prononcez « tatou ». Il me semble que le mot exact « tatouage » s’exprime dans un français exact et plus élégant.
Les porteurs de tatouages me disent qu’ils expriment leur identité. Tout a commencé par l’avant-bras. Puis tout le bras. Puis l’autre bras jusqu’au cou inclus. Puis le torse et les jambes. L’appropriation de dessins de toutes sortes, parfois folichons, s’éloigne, il me semble, de l’expression de l’identité.
Puis les jambes s’ajoutèrent au tableau, puis le torse. L’envahissement du corps de tatouages me laisse perplexe.
Il ne s’agit plus d’une mode de deux ou trois ans, car le tatouage est gravé dans la peau et dure toute la vie. Et quand la peau retissera, les dessins deviendront une bouillie. Est-là une identité ? Il faut se méfier car l’identité qui changera au cours de sa vie.
À la suite de mes innombrables voyages, les tatouages sont le propre des nombreuses tribus rencontrées. Je dois ajouter que les anneaux dans le nez, sur les lèvres et la langue sont aussi l’apanage des tribus que j’ai fréquentées. Mon Dieu, qu’arrive-t-il à notre civilisation?
Et que dire des barbes ! L’influence du Moyen-Orient où, presque tous les hommes, portent la barbe. Voilà que maintenant, dans notre pays, ceux qui ne la portent pas deviennent une minorité questionnable.
Pourtant, plusieurs nouveaux adeptes ne devraient pas la porter, car tous ne sont pas de vrais barbus. Ces derniers font partie de la classe des visages presque imberbes.
Dans bien des cas, on a l’impression qu’ils n’ont pas fait leur toilette du matin, qu’ils ont oublié de se raser. Certains autres ressemblent à des porcs-épics avec des aiguilles à la place des poils.
En somme, tous ne devraient pas porter la barbe parce qu’elle ne les avantage pas. Mais, c’est la mode décontractée.
Une autre mode se distingue par le port des jeans déchirés en toutes circonstances. Jeans délavés, jeans troués, portés avec des vestons et surtout des tenues de gala (smoking), pis des espadrilles dans les pieds. En fait, un accoutrement emprunté aux pauvres qui vivent dans le Bronx New-Yorkais et dans tous les pays que j’ai visité. Ce sont là où on pige les influences de notre mode que l’on veut décontractée.
Heureusement que contrairement au tatouage qui dure toute une vie, la mode de la barbe et du jeans ne durera que pour quelques années.
Il a plusieurs artistes qui se présentent à la télévision avec les cheveux longs, la barbe hirsute, l’anneau dans le nez et les jeans troués et au genou, sur la cuisse, et délavé. Tout un ensemble qui sied bien à un mécanicien qui vient de changer l’huile d’un moteur ! Quel manque de respect pour les téléspectateurs !
Si j’avais encore trente ans, je souhaite que j’aie la volonté de ne pas succomber au tatouage. Aujourd’hui, en écrivant ce texte, il est facile de signaler ma réticence à ces modes. Comme tout le monde, ou presque, joint cette tendance, je n’y vois plus la manifestation de son identité.
Claude Bérubé