12 avril 2025
Certaines personnes lisent les lignes de la main pour ausculter l’avenir, d’autres lisent les rides du visage pour comprendre le passé, la vie des humains. Pourquoi un jeune trouve-t-il laide une femme de 70 ans avec des rides, alors que moi je la trouve belle et séduisante ? Parce qu’il faut des années pour en déchiffrer l’alphabet.
APPRENDRE À LIRE LES RIDES ! QUELLE BELLE MÉTAPHORE ! Les jeunes sont plutôt des analphabètes dans ce domaine, car il faut des ans et des décennies pour en déchiffrer les nuances. Bienheureux les lettrés, car ils auront accès à l’opulente bibliothèque de l’âme humaine.
Pourquoi sont-ils si nombreux ceux-là qui veulent effacer leurs rides, qui ne cherchent qu’à camoufler leur vieillissement et leur âge ? Effacer les sillons de leur vie ? Entendez-vous les doléances de ceux qui refusent de vieillir ? Ils veulent entendre : «MON DIEU, QUE T’AS L’AIR JEUNE!» «TU NE PARAIS PAS TON ÂGE » N’y a-t-il pas des compliments plus beaux à leur faire ? Qui célèbrent l’art de savoir vieillir, surtout de l’accepter et le vivre ?
J’ai été séduit, il y a plusieurs années, par une entrevue de Denis Villeneuve où il a évoqué les rides. Ce dernier est un cinéaste accompli qui a conquis ses lettres de noblesse avec le film encensé qu’est le film« Incendies ». Il a aussi réalisé le film « Polytechnique» et que dire de la super production « Dune »
Après avoir étudié le cinéma dans des studios aseptisés, vous vous souvenez qu’il a gagné la série télévisée à Radio-Canada Europe-Asie, et parcouru, seul avec sa caméra, ce grand territoire. Il confiait « J’AI PARCOURU DES DIZAINES DE MILLIERS DE KILOMÈTRES POUR APPRENDRE À LIRE LES RIDES D’UN VISAGE ». Il a appris à faire ses films dans des territoires inhospitaliers en apprenant à lire les rides des populations locales. Ces rides dévoilent les souffrances et les bonheurs, la détermination et l’espoir. .
En tournant le film « Incendies » en Jordanie, il a travaillé avec des gens qui vivent la guerre quotidiennement comme des Algériens, des Palestiniens, des Marocains et des Syriens. Il a appris à son équipe de techniciens à lire leurs rides! Ce qui a permis de créer une chimie avec ces peuples. Au-delà des identités raciales, les rides transmettent un langage universel, humain et profond.
À 30 et 40 ans, ne regarde-t-on pas la vieillesse comme une tare ? Ne perpétue-t-on pas ce cliché jusqu’à notre arrivée sur le seuil de la vieillesse ? Puis rendu là, on se regarde dans le miroir et on se mire avec le même regard intransigeant qu’on entretenait à l’égard des vieux…quand on avait 40 ans. On importe avec soi les préjugés de la jeunesse jusqu’à la vieillesse.
N’est-ce pas, hélas, cette pseudo-image décevante de préjugés qu’on voit dans le miroir tout au long de sa vieille vie au lieu de la découvrir, de l’admirer avec les yeux tout neufs de la vieillesse retrouvée. Ne faut-il pas jeter par-dessus bord les stéréotypes négatifs ? Au risque d’épouser les clichés désuets et de passer à côté de l’épanouissement valorisant que nous offre le dernier tiers de notre vie.
Tout ce temps et cet argent gaspillé à essayer de se rajeunir (quelle foutaise). Il est reconnu qu’exhiber un extérieur de 10 ans plus jeune peut vieillir de 10 ans la vie intérieure. On entretient avec mélancolie l’image de notre jeunesse parce qu’on néglige de découvrir la splendeur de la vieillesse. Ne peut-on pas rêver accéder à la vieillesse, ne peut-elle pas devenir le rêve d’une vie ?
N’y a-t-il rien de plus beau qu’un beau vieux ? Un vieux qui sait bien vieillir. Un vieux qui diminue l’importance de l’extérieur de son corps pour enfin cajoler et embellir son intérieur ! Les rides et l’étirement de la peau ne sont-ils pas les indices d’un vécu important, d’un intérieur riche, d’une sagesse disponible et de l’atteinte de la phase ultime ? N’est-ce pas beau ?
Combien de fois dit-on à des jeunes : « QUAND VOUS SEREZ VIEUX VOUS COMPRENDREZ ». Et quand on est vieux, on refuse de comprendre puisqu’on a de cesse de rajeunir son corps pour paraître plus jeune. Paraitre plus jeune, mais sans jamais l’être. Et chercher à penser comme à l’époque, oubliant tout l’acquis dont les ans nous ont enrichis.
Ceux qui dirigent les pages frontispices des magazines ne sont- ils, en fait, que des trafiquants de visages qui subtilisent les traces de la vie comme pour les aseptiser. INCROYABLE ! Je n’ai pas reconnu Marina Orsini en première page d’une publication. Un trafiquant avait effacé toutes ses rides, toute la vie de son visage. Pourtant, une photo à l’intérieur la montrait au naturel. Elle, si belle et rayonnante. Pourquoi l’avoir défigurée à ce point ? Quelle raison intelligente peut-on invoquer ? Quel message envoie-t-on ?
Je me souviens de, France d’Amour, encore toute jeune à l’époque de mon jeune âge. Elle présentait son plus récent disque. Les invités ont aussitôt souligné qu’on ne la reconnaissait pas sur la photo de son album. Elle ajouta. « Ouais. J’ai pourtant réclamé le droit d’y voir mes quelques rides, mais mon directeur artistique m’a dit que c’était tendance d’enlever les rides, les boutons, etc. Qu’il fallait conserver ces retouches. J’ai dit OK si c’est la mode. »
Et voilà. C’est la mode d’effacer les rides sur la figure. Qui a osé imposer cette tendance ? Après les femmes anorexiques, voilà l’ère des vieilles déridées. Au risque de ne plus les reconnaître. De leur enlever l’expression d’une vie, de la vie. Comment apprendre à lire les rides quand elles ont disparu.
La soirée des Oscars hollywoodiens est le nec plus ultra du triomphe sur l’autel de la beauté surfaite. Je me souviens, il y a de ça plus d’une plus d’une quinzaine d’années, dans les colonnes du Daily Mail de Londres, soit à la suite des Oscars de 2012, Martin Scorcèse, réalisateur américain, réagissait violemment au fait « …de ne plus pouvoir trouver une actrice de plus de 35 ans capable de jouer la colère, tant toutes sacrifiaient leurs expressions sur l’autel du bistouri ou du Botox. Trop, c’est trop ! Et puis, savoir vieillir fait justement partie de la beauté. C’est valable aussi bien pour les femmes que pour les hommes ».