12 janvier 2025
Les débardeurs des ports de Montréal et de Vancouver sont actuellement en conflit de travail, que ce soit une grève ou un « lock-out » (un verrouillage). Selon que ce sont les syndiqués ou les patrons à décider en premier. C’est au tour des patrons d’être en premier cette fois. Il n’y a pas si longtemps, les cheminots du transport ferroviaire avaient stoppé les trains sur tout le long du territoire du Canada.
Comme résultat, c’est toute l’économie canadienne qui est en berne. Chaque fois, ce sont des milliards de dollars qui sont en jeu. Les marchandises ne peuvent plus circuler, entrer ou sortir des ports, que ce soit de Vancouver ou de Montréal. Elles ne peuvent plus circuler d’est en ouest, depuis l’océan Pacifique jusqu’à l’Atlantique.
Et voilà, des travailleurs, dont les salaires flirtent avec les 200 000 $, des patrons qui empochent des millions et des actionnaires qui retirent des dividendes plus que généreux peuvent priver de salaires décents et minimaux des millions d’autres travailleurs et mettre en péril le sort de petites entreprises. Et que dire des millions de citoyens qui se voient déposséder de produits en attente ou qui assument une augmentation des prix ?
Pourquoi les syndicats ou les associations professionnelles travaillent-ils à enrichir les plus riches ? Comment est-ce possible de quémander des heures de travail plus réduites et des vacances augmentées quand la nature même des entreprises doit s’adapter à des opérations irrégulières et tenir compte de la compétition internationale ? Une question de productivité !
Le droit d’employer la grève générale comme moyen de pression envers l’employeur est bien légitime et légal pour satisfaire les demandes de travailleurs. Mais n’y a-t-il pas une limite légitime à pénaliser une population entière, une économie sans restriction d’un pays, à imposer des problèmes collatéraux à une population nombreuse pour satisfaire un petit groupe grassement bien rémunéré et qui en veut toujours plus ?
Je me souviens des débuts de l’ère syndicale. J’étais jeune à cette époque. Ils y avaient les conflits impliquant des compagnies minières afin qu’ils rémunèrent avec décence leurs employés et leur offrent des conditions minimales de travail dignes de tout être humain.
Et ce furent d’abord les employés de l’État qui en profitèrent. Suivit du monde de la construction.
Les affrontements déshonorants, les manifestations attisant les actes de violence, les policiers à la solde des patrons, les grèves où les armes ternirent les débats, voilà autant de clans qui s’affrontèrent, laissant des blessés sur le pavé.
Le syndicalisme fit des gains importants qui permirent d’améliorer le sort des travailleurs et de corriger les lois indécentes.
Et les années passèrent. De négociation en négociation, le monde des travailleurs de chantier et de bureau ne cessait de gagner du terrain. Les syndicats sont devenus des agents de changement respectés et reconnus par les employeurs et les gouvernements. Ils commencèrent à négocier des conventions plus avantageuses. Finie la période difficile des débuts.
J’aborde la question des syndicats, mais je dois aussi mentionner les associations professionnelles qui négocient les conditions pour un groupe bien défini. Je songe aux spécialistes en médecine, qui détiennent une grande influence, et dont la rémunération est nettement plus avantageuse que celle des personnes ordinaires ayant supporté les coûts considérables de leur formation.
Aujourd’hui, les syndicats ne se mobilisent plus en faveur des individus les plus démunis, mais plutôt pour ceux qui cherchent à améliorer encore leurs conditions grâce à des négociations favorables. La fonction publique est la plus avantagée, car elle est la plus syndiquée.
Le Service postal canadien était en grève dans tout le pays, ce qui a entraîné l’interruption de la distribution de 85 000 passeports. Ces passeports étaient destinés à des citoyens canadiens qui prévoyaient de voyager prochainement. Malheureusement, sans leur passeport, ils ne pouvaient pas quitter le pays ni accéder à leurs destinations, ce qui signifiait qu’ils devaient annuler leurs projets de voyage et perdre ainsi les sommes d’argent qu’ils avaient déjà engagées.
Encore une fois, les problèmes collatéraux de cette grève étaient outranciers, dépassant les bornes, envers cette population qui n’avait aucun avantage dans ce conflit.
Heureusement, les Postes canadiennes ont des compétiteurs dans certains services, mais pas à la livraison des passeports. Ni à la livraison de la publicité de grandes entreprises qui comptaient sur la Poste pour profiter des ventes du Vendredi fou et des emplettes de Noël pour réussir leur profitabilité.
À la lecture de ces quelques cas injustes de grève, vous comprendrez que je souhaite que l’influence des syndicats et des associations professionnelles s’exerce davantage auprès des travailleurs encore les plus vulnérables.
Que l’exercice de la grève soit réglementé à l’avantage de ces derniers les plus vulnérables. Que des frontières justes délimitent le terrain des grèves pour les plus nantis et ceux dont l’emprise dépasse leurs secteurs d’activités et alimente une exagération néfaste pour l’économie du pays.
En somme, que le droit d’association qui permet la négociation retrouve les fondements fondateurs de leur existence, ce dont j’écrivais plus avant, pour permettre de rétrécir le fossé des deux extrêmes de la richesse. La richesse doit se partager.
Les règles du jeu doivent avantager les uns et restreindre la puissance des autres. Autrement, l’écart se creusera et le pouvoir de l’État s’affaiblira au profit des privilégiés.
Claude Bérubé