On parle peu de la mort autour de moi. Comme si ce sujet ne suscitait pas l’intérêt. Ce n’est pas un sujet courant de conversation. Et pourtant. J’imagine que toutes les facettes de la mort trotte dans la tête de tous et chacun. Elle fait peur à certains et n’importune pas les autres.
Mais ! La vieillesse nous interroge tous davantage. Et nourrit bien des conversations. Car c’est de vieillir qui est préoccupant! Pas de mourir ! À moins que..!
Pourtant je reste patois devant le nombre de vieux qui s’affolent devant la vieillesse et non la mort! Elle panique cette peur qui se manifeste devant le fait de vieillir. Pas question de s’appeler « VIEUX ». Le mot s’amalgame, à tort, à la maladie et la décrépitude. On préfère le terme «AÏNÉ» qui n’a pourtant aucun rapport commun avec les vieux de 50 à 100 ans. On minimise la mort, on diabolise la vieillesse pour glorifier la jeunesse.
La « jeunesse éternelle » génère le rêve et se confond la plupart du temps avec l’obsession. Une obsession qui génère une industrie mondiale de cosmétiques et autres de 350 milliards$. Cette obsession arrime un mouvement qui déclenche une lutte irrémédiable contre les rides, celles-là que l’on conspue allégrement car elles évoquent ce vieillissement tant chahuté. La grande actrice Anna Magnani avait dit à son photographe : « de grâce, ne retouchez pas mes rides. J’ai mis tant de temps à les gagner ».
Quel compliment que se faire dire que l’on paraît plus jeune, alors que les rides devraient faire partie de la panoplie des critères de beauté. Ces rides ont tellement à raconter, des souffrances aux grandes joies. Toute une vie y réside. Mais paraître jeune obnubile tout un segment de la vieillesse qu’on devrait vivre intensément car ce segment, cette vieillesse, nous permet de s’affiner vers cette mort inéluctable.
Parce que les jeunes n’aspirent pas à devenir vieux. La cinquantaine leur paraît déjà comme un signe de vieillesse Par ailleurs, nous, les vieux, leur transmettons un visage terne de la vieillesse parce que nous n’aimons pas la vieillesse. Ne serait-ce légitime de montrer que vieillir est noble et ainsi dépouiller les jeunes de l’angoisse de devenir vieux. Alors qu’il suffit de piger au cœur de son disque dur l’expérience de toute une vie. La vieillesse c’est l’hiver pour certains, mais le temps des moissons pour les sages.
Concentrons-nous sur la mort. En fait, il faut être capable de parler de la mort pour l’apprivoiser. L’angoisse de la mort nous empêche-t-elle de vivre ?
On abandonne de nos jours de plus en plus les rituels sacrés des habitudes funéraires. Est-ce une évolution souhaitable face à la mort? Est-ce une banalisation de ces mêmes rituels qui ont par le passé occupé une place si prépondérante ? Les religions, en proposant une vie subséquente éternelle, ont-elles instauré ces rituels collectifs et communautaires ?
L’affadissement des croyances de l’au-delà minimise-t-il le faste des cérémonies funéraires ? Il est certain que dans une vision spirituelle ou dans une vision athée la mort prend un sens différent. Pour certains, il y a une vie quelconque après la vie, et pour d’autres, tout est fini irrémédiablement. Il n’y a plus rien.
La mort est une réalité, en fait, un ensemble de réalités, à la fois difficiles et complexes. La mort des proches est très douloureuse. Mais la nôtre est surtout mystérieuse. Disons surtout complexe ?
Il y a ceux qui décident de mourir avant, à une date choisie, pour esquiver les douleurs que le corps et l’âme ne peuvent difficilement endurer. Il y a tellement de témoignages de ceux qui ont assisté à cette mort. On y décrit le climat paisible et même joyeux qui habite la cérémonie. La sérénité tranquille submerge le mourant. Plusieurs de ces derniers ont choisi d’offrir aux convives mets, boissons et musique car la mort est une joie et non une peur.
Et que penser des autres. Ceux-là qui choisissent de laisser la vie s’éteindre par elle-même, une lente agonie bienheureuse. Ceux qui profitent des soins palliatifs, entourés des gens de la Santé qui leur prodiguent des calmants et sédatifs contre la douleur dans un climat plein de sollicitude, généralement pieuse.
Ce qui m’attriste le plus, c’est le sort réservé à ceux qui sont privés de ces moments privilégiés de fin de vie. Douleurs et peurs étreignent les dernières heures de leur vie. Loin de l’extrême bienveillance humaine qu’on souhaite à tous les humains qui méritent un minimum de respect.
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