Je me souviens (2 ième partie)

Dans la première partie du document « Je me souviens », j’ai présenté les grands moments de la Révolution tranquille. Évidemment, c’était succinct.  Dans ce texte qui suit, je tente de raconter l’émergence  de la langue française.

Statistiques Canada, a confirmé avec les chiffres à l’appui que le déclin de la langue française était bien amorcé au Québec.  Ce qui me désole quand on sait tous les efforts réussis pour revigorer cette langue au cours de la Révolution tranquille.

Dans le monde entier, la langue anglaise s’infiltre dans tous les pays pour faciliter la mondialisation. Imaginons l’influence des millions d’anglophones du continent nord-américain qui encerclent le petit noyau de Québécois francophones.

Statistiques Canada a démontré aussi que le bilinguisme au Canada a augmenté seulement chez les francophones du Québec.  Les entreprises exigent de plus en plus la connaissance de l’anglais lors des embauches. Comme cela se passait avant la Révolution tranquille. On revient donc à la case de départ.

Le déclin du français me donne l’impression que nous retournons vers la classe de départ avant 1960. C’est-à-dire durant  la période de la colonisation culturelle anglaise.

À cette époque, celle de mon enfance, les travailleurs devaient parler en un tant soit peu anglais pour avoir accès à un emploi. Les patrons, des anglophones venant de Toronto, chérissaient l’unilinguisme. La colonisation anglaise se rendait maître de la couleur économique, mais aussi culturelle. Les Canadiens français tenaient le rôle de porteur d’eau.

Moins éduqués, les Canadiens français conversaient  en franglais, un mélange de mots français et anglais. J’ignorais que le mot « bumper » que j’utilisais voulait dire « pare-choc », et ainsi de suite. Puis il avait ceux qui mâchouillaient  une langue qu’on définissait de « joual ». Michel Tremblay, un écrivain talentueux, décida de faire parler les personnages de ses romans dans leur vraie langue quotidienne, soit en joual. Le récit était cependant dans une langue française châtiée.

Je ne voudrais pas oublier les intellectuels dont la langue était héritée de la France. La présence de Radio-Canada, tant à la radio qu’à la l’arrivée de la télévision, déversait dans nos oreilles une langue impeccable. À l’école, nos enseignants, les religieux dont la meilleure scolarité était évidente, nous enseignaient les bons rudiments essentiels de cette langue. Sans négliger  le volet de la culture florissante qui enveloppait cette merveilleuse langue. Je fus chanceux de servir la messe chez les Jésuites pour avoir accès à une bibliothèque de livres intéressants après avoir dévoré  tous les « Tintin ».

Puis, mon adhésion au cours classique me fit aimer la langue française et sa culture grâce à l’étude d’un grand nombre de beaux  livres. L’étude de l’ancien latin et de l’ancien grec me fit découvrir l’origine de tant de mots français associés à ces deux grandes et anciennes cultures. Incroyable que  nos histoires ancestrales soient communes.

Il ne faut pas se limiter à parler une langue. Il faut apprendre à aimer une langue et surtout sa culture.

Il faut impérativement chanter sa langue ; n’est-ce pas la meilleure façon de l’apprendre et l’aimer.  La poésie et la musique d’un Félix Leclerc a fait naître une kyrielle de poètes –chanteurs qui nourrirent de fierté le peuple québécois. Je pense à Jean-Pierre Ferland, Gilles Vigneault, Claude Léveillée, Claude Gauthier, Jacques Michel, Robert Charlebois et une multitude d’autres. Il n’y avait que leurs chansons dans les Boîtes à chansons, à la radio et à la télévision sans oublier les milliers de disques, qu’ils soient  en vinyle ou cassettes, dont le peuple s’appropriait avec engouement.

Une grande panoplie d’interprètes de la chanson française, comme Pauline Julien, Monique Leyrac, Michel Louvain, Ginette Reno et tant d’autres, firent les beaux jours de la télévision, du commerce des disques et des Boîtes de nuit avec ces chansons. En plus des créations populaires des compositeurs  québécois, on y chantait dans la version française les plus grands succès américains.

Cette décolonisation engendra une émancipation culturelle comme la naissance d’une génération d’écrivains dont les œuvres provoquèrent  la publication d’un grand nombre de livres. À l’école, les élèves commencèrent  à étudier nos auteurs. Une vraie nation s’éveillait.

La nouvelle télévision apprivoisait le peuple du Québec. La musique, le théâtre, la danse découvrirent cette vitrine et virent de grands talents québécois émerger.

De nouvelles générations fleurirent et s’épanouirent dans ce jardin de fleurs françaises. La loi 101 promulguée par Camille Laurin le 26 août 1977 instaurait la Charte de la langue française et cette langue comme la seule officielle du Québec. Une loi charnière dans l’Histoire du Québec.

Mais elle sera contestée devant les tribunaux par les Anglais vivant au Québec et par les associations d’immigrants, entre autres. Situation qui dure encore aujourd’hui, malgré une nouvelle loi 21 du gouvernement.

Tous ces mots pour démontrer que la bataille du français au Canada et particulièrement au Québec n’est pas terminée. Et que la jeunesse d’aujourd’hui ne connaît pas l’Histoire timorée de langue française. Voilà pourquoi elle ne la défend pas, convaincue qu’elle est acquise.

Ma génération ne doit pas taire car toute cette bataille pour faire vivre cette langue et sa culture aura été inutile. Nous devons nous souvenir.

 

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