Moi aussi, dans la vingtaine, j’ai été un jeune animé du désir de tout changer lors de la décennie charnière de 1960. Je trouvais alors « outrageusement vieux » les gens de 60 ans…et même de 50 ans. La voie d’évitement, la voie de service, me semblait toute désignée pour eux. Je déplorais leur conservatisme, c’est-à-dire leur attachement à des valeurs passées, surtout dépassées aux yeux de ma génération. Toute nouvelle idée, toute nouveauté étaient « LA » solution. C’était l’heure d’une révolution, une Révolution tranquille. Nous étions invincibles ! Audacieux ! Convaincus de pouvoir la réaliser ! Et surtout d’avoir raison !
J’appartiens maintenant à cette génération de Vieux qui regardent les jeunes : ces jeunes invincibles, audacieux, convaincus de tout pouvoir et surtout d’avoir raison. Tout en observant, comme vous tous, une perte de l’identité québécoise, un rejet de l’histoire et des traditions.
Nous, les vieux, avons une grande part de responsabilité dans le piétinement de nos racines. Nous pouvons déplorer la brisure des années 60 où, dans un aveuglement sans précédent, nous avons balayé du revers de la main ce qui naguère avait été le froment et le levain de nos ancêtres.
D’autre part, nul ne peut contester l’apport de notre génération dans le développement exceptionnel et les progrès humains et sociaux remarquables, dont tous profitent aujourd’hui, apportés dans la foulée de la Révolution tranquille.
Sous un angle différent, notre envie incontrôlable de faire table rase de la filiation avec les périodes précédentes de notre histoire a largement contribué à engendrer cette perte d’identité passée qui revient nous interpeller, encore aujourd’hui.
Autrefois, il fallait trois générations pour compléter un changement marquant. Aujourd’hui, il ne suffit que d’une demi-génération. Trop vite. L’être humain n’est pas une machine turbo, il a besoin de temps pour s’adapter à la transition, aux nouvelles idées et surtout les comprendre et les assimiler.
Puis, arrive l’âge de transmettre. Mais comment transmettre quand tout se déroule dans un si court laps de temps. On n’en a pas le temps. Tout est désuet dans court laps de temps. Mais les grandes valeurs nobles traversent les siècles et les traverseront encore si nous les transmettons. Peu importe les générations
Il nous appartient, sans aucun doute, de ressouder nos racines en sol québécois. Racines qui se sont aussi profondément entremêlées avec celles des premières nations et des arrivants plus récents au cours de l’Histoire. Un métissage, quoi ! Nous, les Vieux, avons la mission de transmettre les valeurs traditionnelles dont le flot a été brisé par le barrage de la célèbre révolution. Quelles sont ces valeurs ? Les valeurs de durée, si importantes à toute nation. Ce qui inclut l’Histoire. Celles du sens de la vie et aussi de vision élargie orientée vers la suite du monde. Ce qui ne semble plus être « in » de nos jours.
Nourris par l’expérience de la vie, nous pouvons inspirer la persévérance, la discipline, l’honnêteté, la loyauté, la raison d’être de la famille, le sens de la communauté, le civisme, le bénévolat, le don de soi, la générosité, l’amour des autres, la sobriété, la foi, le travail bien fait, l’effort, le respect, l’autorité, la patrie, la solidarité, l’Histoire, les traditions, les rituels, la spiritualité, la passion, la bonne nourriture, le respect des ancêtres et leurs œuvres et combien d’autres.
Les valeurs morales sont les gènes et l’identité d’une nation. C’est à elles qu’on reconnaît une nation d’une autre. Elles sont intimement liées à l’histoire où elles ont pris racine, où elles ont bourgeonné, où elles ont fleuri. Ne piétinons pas, n’enfouissons pas les plates-bandes de notre histoire. Les fleurs ont droit à plusieurs vies et à engendrer de nouvelles boutures. À moins de les écraser avec nos gros sabots de pseudo développeurs.
Tout cela sera perdu si nous, les aînés, n’avons pas accès à toutes les tribunes adéquates et n’avons pas accès à l’espace médiatique qui nous revient. Notre pouvoir d’influence en est et sera d’autant réduit. Nous devons cesser de nous taire. Et la société tout entière doit cesser de nous inviter à nous taire.
J’observe que la nouvelle génération est en train de reproduire bien des erreurs des vieux, comme étouffer les racines des fleurs, et de jeter le bébé avec l’eau du bain. Que restera-t-il ? En serons-nous rendus à importer et bâtir une toute nouvelle identité inspirée par les valeurs que nous apportent les immigrants ? À l’inspiration des autres ? Et de reproduire nos erreurs ? Et de véhiculer les vieux clichés pour décrire les vieux comme le font ceux qui suivent ?
Pourtant notre histoire, même récente, a des héros, des valeurs, des rituels qui peuvent nous inspirer, colorer notre culture et consolider notre identité.
Les vieux doivent cesser de se taire et profiter de toutes les tribunes.
Partager vous ce point de vue ? Ou voyez-vous les choses autrement ? Pourquoi ne pas laisser un commentaire en y ajoutant votre âge ?
Cher Monsieur Bérubé, vous avez complètement raison. Bravo d’avoir dit tant de choses importantes dans relativement si peu de mots. Mais quelqu’un écoutera -t-il ce message des plus importants? Personne prend le temps de lire, d’écouter, de penser aujourd’hui. Pas le temps! Ils sont en train de dévaler la pente de la vie comme un skieur pris dans une avalanche. Mais il y aura un fort prix à payer une fois arrivés en bas de la pente. Merci d’avoir exposé ce dilemme avec tant de lucidité.
Jean POIRIER, 68 ans, Alfred Ontario
Je suis de votre âge et vous avez parfaitement raison. Merci pour ce texte magnifique. J’ai 4 petits-fils et j’essaie de bien les informer sur nos racines, nos ancêtres etc.
Notre histoire s’est écrite par nos ancêtres en défrichant la terre en faisant les villages, les èglises, les écoles. Les familles ont assurés que le tout se perpétue de famille en famille Tout ça s’est réalises en y mettant tous les efforts que celà a demandé pour y arriver !
Merci Monsieur Bérubé. Je suis d’accord avec vos propos… tellement !!!!
J’ai 71 ans bientôt, j’habite à Trois-Rivières et je défends sur les réseaux sociaux l’importance de sauvegarder notre langue, notre culture, notre laïcité et notre patrimoine… mais je me sens bien seule et surtout je me sens un peu incomprise par mes fils qui, évidemment, habitent à Montréal…
« Nous, les Vieux, avons la mission de transmettre les valeurs traditionnelles dont le flot a été brisé par le barrage de la célèbre révolution. Quelles sont ces valeurs ? Les valeurs de durée, si importantes à toute nation. Ce qui inclut l’Histoire. Celles du sens de la vie et aussi de vision élargie orientée vers la suite du monde. Ce qui ne semble plus être « in » de nos jours. »
L’héritage le plus précieux de nos ancêtres est celui de ce qui les animait, les fortifiait, les transformait, c’est-à-dire la Foi de leur saint Baptême, la Vie surnaturelle reçue et entretenue par les sacrements, la prière, les sacrifices, le devoir d’état accompli dans l’esprit chrétien, etc. C’est ça qu’on a balayé comme une ordure.
Vous parlez de la « révolution tranquille » quelque part. Mais cette révolution est la même que la Révolution française, à différence qu’elle ne fut pas sanglante, mais plus subtile et plus pernicieuse, car elle s’attaqua non au corps, mais à l’âme, à la conscience des catholiques pour leur faire perdre la foi. Et tout cela fut orchestré de main de maître par vos petits amis si « discrets » et si généreux d’apparence.
Vatican II, qui fut en même temps, ne fut pas une coïncidence. C’est le mouvement Moderniste, dont les agents nombreux étaient dissimulés dans les rangs catholiques, qui a fait surface par ce simulacre de concile, pour y opérer toute une révolution au sein de l’Église, et ce de façon universelle, puisque en mettant un des leurs sur le trône de Saint Pierre, en usurpant son Autorité par imposture, ils purent faire des changement fondamentaux pour la vider du surnaturel. Et qui était derrière tout ça ? Les ennemis jurés de l’Église catholique apostolique et romaine, les petits frères trois points si discrets et si généreux.
Je continue ?