Je suis de « pater noster » et de « credo », comme Claude Gauthier l’a si bien écrit dans l’une de ses chansons. Tous les vieux de ma génération ont vécu la période dite religieuse du Québec. Celle que l’on décrit avec acrimonie autant dans les médias qu’autour de la table. Celle que les Jeannettes ne veulent plus revivre. Celle, où disent-elles, le curé et son vicaire obligeaient les femmes à enfanter. Celle où, disent les nombreuses victimes, les religieux se permettaient des actes pervers avec les enfants. Celle aussi de l’alliance incestueuse de l’Église-État.
Mes parents et mes ancêtres étaient pieux et leur foi ne faisait pas de doute, même si elle frôlait la religiosité, ceux-là mêmes qui ont voué un culte quasi démesuré au curé et à son vicaire, ceux-là mêmes qui ont bâti ce Québec durant les années difficiles. C’était l’époque où toutes les mères souhaitaient un religieux dans leurs familles pour sauver leur âme, comme disait ma sainte mère. Quand ce frère ou ce cousin arrivait, on avait droit aux manifestations habituelles à l’égard d’une vedette.
Je me souviens des réjouissances festives de cette génération malgré les longues heures pénibles de travail. L’autorité cléricale faisait foi de loi dans la vie sociale, éducative et hospitalière. Le curé avait un plus grand ascendant que le maire ou le député. On m’a confié qu’il y avait plus de 50,000 religieux au Québec en ces temps-là. Vocation ou non. Toute une armada pour une population d’environ 5 millions d’habitants. On en compterait moins de 5000 aujourd’hui. Deux époques deux mondes. La loi du nombre jouait. Il y avait de nombreux pédophiles. Je ne vous parlerai pas du frère Adrien dont le seul souvenir demeure sa barbe rude. C’est un secret de polichinelle que des curés ont eu une descendance. Il en a qui ont exercé un « power trip », une vraie dictature et pour certains, bien au-delà de leurs services sacerdotaux. Il serait certes inconvenant de cataloguer tous les religieux dans la case des pervers.
Il ne faudrait pas oublier qu’il y eut des religieux et religieuses inspirants et dévoués. Des moines qui ont aussi apporté une contribution importante au Québec. Qui se rappelle le Chanoine Groulx, celui qui au début du siècle, le premier, a commencé à écrire et enseigner notre jeune Histoire de 300 ans? Que savons-nous du frère Marie-Victorin, le grand botaniste entre tous? Que savons-nous du père dominicain Georges-Henri Lévesque, le pionnier des études en Sciences sociales à l’Université Laval ? Que savons-nous du Père Émile Legault, l’inspirant fondateur des Compagnons St-Laurent, la pépinière de nos grands comédiens de théâtre ? La liste est longue de religieux précurseurs, qui par leur passion, ont fait éclore tant de talents chez nous. Et je survole la liste de ces religieuses qui ont tout autant permis l’éclosion de talents. Que serait le Mouvement Desjardins s’il n’y avait eu des curés pour ouvrir des succursales dans les sous-sols d’église ? Je me souviens de ce jésuite Richard Arès de la Maison Bellarmin qui a insufflé le goût de la lecture à ce servant de messe que je fus. Quel mentor, dont j’ignorais les hautes fonctions et le rôle social qu’il jouait.
N’eût été du curé de ma paroisse, je n’aurais jamais eu accès, comme des milliers de jeunes, au monde du cinéma et au centre des loisirs. Ils furent nombreux comme lui. Je les revois habillés de soutane, de col romain et de coiffe.
Tout ce texte pour leur rendre un hommage. Je suis fier d’appartenir à la même nation qu’eux. Je ne voudrais pas que les turpitudes d’un bon groupe viennent ternir la grandeur d’âme d’un si grand nombre d’êtres inspirants, dont les noms et les œuvres n’apparaissent plus au tableau d’honneur de notre Histoire. Comment nommer leur période : la grande noirceur, quand ils allumaient les lumières éblouissantes de la Révolution tranquille.
Des religieux héroïques…
Partout et peu importe l’époque, des religieux ont été bons, généreux et honnêtes. Cependant, en ce qui me concerne, ce que j’ai vu/vécu dans mon enfance, ne m’impressionne pas, et ce que je vois aujourd’hui non plus. Le curé qui voulait absolument que ma mère fasse encore des enfants après en avoir perdus au moins trois, au risque de sa propre vie, et malgré l’avis du médecin. La place qu’on nous réservait dans l’église puisque mon père n’achetait pas de « banc »(pauvreté oblige), La place de la femme au sein de la religion, et j’en passe…
Je pense qu’on peut mener une vie avec un bon sens moral sans l’appui d’une religion, peu importe laquelle! Je suis donc pour une société laïque, permettant cependant aux gens qui le souhaitent, de pratiquer leur religion, mais de façon discrète. Quant au crucifix, je le mettrais ailleurs, éventuellement dans un endroit regroupant divers symboles du genre.
J’ai aussi été très bien traité de mes deux ans avec les Frères de l’Instruction Chrétienne au juvénat d’Oka dans les années 50. Ils étaient tous très consciencieux et dévoués avec nous les jeunes. Je n’ai que de beaux souvenirs d’eux et du directeur. Par contre, il y avait un frère FIC, Stan, qui n’avait sûrement pas la vocation, qui enseignait la 9e année, et qui se moquait des élèves moins talentueux devant tous les autres élèves au lieu de chercher à les aider. Je comprends aujourd’hui qu’il y a des pommes pourries dans toutes les familles ou groupements d’humains.